CHAÂBI ALGÉRIEN ET CHAÂBI DE KABYLIE
Origine
Le chaâbi est un genre musical populaire né à Alger au début du XXe siècle, au cœur de la Casbah, mais dont les racines plongent bien plus profondément dans l’histoire musicale de l’Algérie. Issu d’une longue tradition de musique arabo-andalouse, le chaâbi a émergé comme une expression du peuple, se démarquant des musiques savantes par une approche plus accessible, plus enracinée dans le quotidien et les préoccupations populaires.
Au fil du temps, le chaâbi s’est répandu bien au-delà des murs d’Alger. En Kabylie, région montagneuse et riche en traditions propres, les musiciens locaux se sont approprié ce style en le fusionnant avec les mélodies berbères et les rythmes kabyles. Ce métissage a donné naissance à un chaâbi kabyle distinct, porteur de l’identité amazighe et de son vécu tout en respectant l’héritage arabo-andalou du genre.
L’origine du chaâbi en Kabylie tient également à la migration des Kabyles vers Alger à partir de la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Ces travailleurs et artisans ont été naturellement exposés au chaâbi algérois et, de retour dans leurs villages, ont adapté ce répertoire à leurs propres modes, dialectes et sensibilités. C’est ainsi qu’une véritable école kabyle du chaâbi a vu le jour, perpétuée aujourd’hui encore par des artistes passionnés.
Historique
Le développement du chaâbi est indissociable de l’histoire d’Alger au XXe siècle. À l’origine, le chaâbi était interprété par les maîtres de la musique arabo-andalouse qui cherchaient à populariser cet art en le rendant plus accessible aux classes populaires. Le maître incontesté du genre fut El Hadj M’Hamed El Anka, surnommé « le cardinal du chaâbi ». Élève de Cheikh Sid Ahmed Serri et influencé par Cheikh Nador, El Anka a codifié le chaâbi en lui donnant sa structure rythmique et mélodique moderne.
Dans les cafés, les fêtes populaires, les mariages et même les cabarets, le chaâbi est devenu un véritable vecteur de culture et de contestation sous la colonisation française. À travers des paroles souvent poétiques, spirituelles ou satiriques, il exprimait les espoirs et les douleurs du peuple algérien.
L’après-indépendance a vu le chaâbi continuer de prospérer, avec des artistes comme Dahmane El Harrachi, qui a su exprimer la nostalgie et le déracinement des Algériens de la diaspora. Le morceau « Ya Rayah », devenu un hymne universel, illustre parfaitement cette capacité du chaâbi à transcender les frontières.
En Kabylie, le chaâbi a suivi un parcours parallèle. Le genre a été adopté par des chanteurs kabyles dès les années 1930-1940, dans une volonté de dialogue entre les cultures amazighe et arabo-andalouse. Des artistes comme Cheikh El Hasnaoui ont été parmi les premiers à enregistrer des chansons en kabyle sur des mélodies chaâbi. Par la suite, dans les années 1960-1970, le mouvement chaâbi kabyle s’est affirmé avec des figures comme Lounès Matoub, qui a su mêler les revendications identitaires kabyles aux formes traditionnelles du chaâbi.
Aujourd’hui, le chaâbi kabyle connaît un renouveau, porté par une jeune génération qui explore à nouveau ce patrimoine commun. Le genre est interprété aussi bien dans les villages que sur les scènes internationales, témoignant de son universalité et de sa profonde capacité d’adaptation.
Instruments
Le chaâbi se caractérise par l’utilisation d’un ensemble d’instruments traditionnels qui lui confèrent son identité sonore unique. Parmi les instruments les plus couramment utilisés, on trouve :
1. Le Mandole : Instrument à cordes pincées, le mandole est essentiel dans le chaâbi. Il est souvent utilisé pour jouer la mélodie principale et accompagner le chant.
2. La Derbouka : Ce tambour en forme de gobelet est utilisé pour le rythme. Il est frappé avec les mains pour produire des rythmes complexes et dynamiques.
3. Le Banjo : Bien que d’origine américaine, le banjo a trouvé sa place dans le chaâbi, apportant une couleur sonore distincte avec ses cordes métalliques.
4. La Flûte : Souvent utilisée pour des passages mélodiques, la flûte ajoute une dimension aérienne et poétique à la musique chaâbi.
5. Le Violon : Utilisé dans sa version classique ou parfois modifié pour être joué en position verticale, le violon joue des rôles mélodiques et harmoniques.
6. L’Oud : Instrument à cordes très répandu dans les musiques arabes, il est parfois utilisé dans le chaâbi pour des improvisations et des accompagnements.
Les instruments utilisés dans le chaâbi sont variés et contribuent à sa sonorité unique. La mandole, un instrument à cordes dérivé du luth, est emblématique du chaâbi. Sa sonorité profonde et résonnante est souvent au cœur des compositions. Le banjo, introduit plus tard, offre une sonorité plus vive et est souvent utilisé pour les solos. Le qanûn, une sorte de cithare, apporte une touche mélodique délicate.
Les percussions jouent également un rôle crucial dans le chaâbi. Le derbouka, un tambour en forme de gobelet, et le bendir, un tambour sur cadre, fournissent le rythme fondamental. Ces instruments de percussion sont souvent accompagnés par le târ, un tambourin qui ajoute une dimension supplémentaire à la rythmique.
Structure Musicale
La structure musicale du chaâbi est complexe et riche, combinant des éléments de la musique modale et des rythmes syncopés. Les modes utilisés dans le chaâbi sont souvent issus de la musique andalouse, tels que le mode Sika et le mode Rasd. Ces modes apportent une couleur musicale spécifique qui est reconnaissable par les auditeurs habitués.
Les compositions chaâbi sont souvent construites autour de cycles rythmiques asymétriques, qui peuvent être déroutants pour les non-initiés mais qui ajoutent une profondeur et une dynamique à la musique. Les morceaux commencent généralement par une introduction instrumentale, suivie de couplets chantés entrecoupés d’intermèdes instrumentaux. L’improvisation joue également un rôle crucial, permettant aux musiciens d’explorer de nouvelles idées musicales en direct.
Danses
Le chaâbi est souvent accompagné de danses traditionnelles kabyles, qui varient selon les régions et les occasions. Les danses sont généralement collectives et se pratiquent en cercle ou en ligne, avec des mouvements rythmés qui suivent la musique.
– Pas de Base : Les danseurs se déplacent latéralement en frappant le sol du pied droit puis du pied gauche, en suivant le rythme de la musique.
– Chorégraphies : Les chorégraphies sont souvent improvisées, mais elles peuvent inclure des mouvements de bras gracieux et des rotations qui suivent les variations de la musique.
Les danses chaâbi sont une expression de joie et de communauté, souvent pratiquées lors de célébrations telles que les mariages et les fêtes locales.
Vidéos de Danses
Pour des exemples visuels de danses chaâbi, vous pouvez consulter les vidéos suivantes sur YouTube :
Exemples Musicaux
Le répertoire chaâbi est riche et varié. Parmi les œuvres incontournables, on trouve « Ya Rayah » de Dahmane El Harrachi, une chanson sur le thème de l’exil et du retour :
Une autre chanson emblématique est « El Harraz » qui est un classique du genre :
Amar Ezzahi
Pour explorer des morceaux moins connus, on peut écouter « El Ghorba » de Kamel Messaoudi, qui aborde également le thème de l’exil :
Artistes
El Hadj M’Hamed El Anka
Né à Alger en 1907, El Anka est considéré comme le pionnier du chaâbi. Il a commencé sa carrière musicale très jeune et a laissé un héritage considérable avec des œuvres comme « El Harraz ».
***vidéo à venir***
Dahmane El Harrachi
Né en 1926 à Alger, Dahmane est célèbre pour sa chanson « Ya Rayah ». Ses œuvres traitent souvent de l’exil et de l’identité.
Lounès Matoub
Né en 1956 en Kabylie, Lounès Matoub fut un chanteur, poète et militant emblématique de la cause amazighe et de la laïcité en Algérie. Sa musique mêle les influences du chaâbi algérois et de la chanson kabyle traditionnelle, avec des textes engagés. Victime de plusieurs attentats, il est assassiné en 1998, laissant une œuvre marquante de plus de 30 albums.
Matoub Lounès Izriw Yeghleb Lehmali
Matoub Lounès – Thissirth n’endama
Matoub Lounès – Lettre ouverte aux…
Kamel Messaoudi
Kamel Messaoudi, né en 1961, est connu pour sa voix poignante et ses textes émouvants. Sa chanson « El Ghorba » est particulièrement appréciée.
El Hachemi Guerouabi
Né en 1938 à Alger, Guerouabi est une figure emblématique du chaâbi, connu pour sa voix mélodieuse et ses interprétations passionnées.
Amar Ezzahi
Amar Ezzahi, né en 1941, est une légende du chaâbi, respecté pour sa discrétion et son dévouement à la musique.
Boudjemaâ El Ankis
Né en 1927, El Ankis a enrichi le répertoire chaâbi avec sa voix unique et ses compositions.
Le chaâbi, avec ses racines profondes et son évolution continue, reste un symbole vivant de la culture algérienne. Il continue d’inspirer de nouvelles générations d’artistes et de captiver les publics avec sa richesse musicale et sa profondeur émotionnelle.