Origine

Le Béarn, ancienne principauté indépendante jusqu’au XVIIᵉ siècle, aujourd’hui intégré au département des Pyrénées-Atlantiques, est une terre de traditions musicales riches et variées. Situé entre Gascogne et Pays Basque, entre plaines et hautes vallées pyrénéennes, ce territoire a su conserver un patrimoine sonore spécifique qui reflète à la fois son identité culturelle et les influences de ses voisins.

Le socle de la musique béarnaise repose sur une tradition orale très vivante, portée pendant des siècles par les cantèras (soirées de chant collectif), les bals populaires, les fêtes de villages et les manifestations saisonnières. Ici, la musique est intrinsèquement liée à la langue occitane gasconne, et sert de vecteur essentiel de transmission culturelle.

Les traces les plus anciennes de musique dans le Béarn remontent à l’époque médiévale. Le prince lettré Gaston Fébus (1331–1391), seigneur du Béarn, a contribué à l’épanouissement des arts et de la poésie dans la région. On lui attribue parfois la composition de Se Canta, aujourd’hui devenu l’hymne occitan et une chanson identitaire du Béarn.

Historique

Le Moyen Âge

Durant le Moyen Âge, la vie musicale béarnaise est étroitement liée à la cour princière d’Orthez et aux abbayes qui parsèment le territoire. Les moines jouent un rôle essentiel dans la préservation de répertoires liturgiques chantés.
Par ailleurs, le développement de la poésie en langue vernaculaire est favorisé par des mécènes tels que Gaston Fébus. La chanson profane, souvent satirique ou amoureuse, est omniprésente.

Renaissance et époque moderne

Aux XVIᵉ et XVIIᵉ siècles, la musique du Béarn évolue vers une forme plus populaire, intégrée aux pratiques collectives : bals, mariages, carnavals. De nombreux compositeurs-poètes locaux émergent, comme Cyprien Despourrins (1698–1759), originaire de Accous en vallée d’Aspe, auteur de nombreuses chansons restées dans la mémoire collective. Son œuvre mélange des inspirations pastorales, amoureuses, et un profond attachement à la langue gasconne.

Au XIXᵉ siècle, alors que la modernité menace certaines traditions rurales, des collecteurs tels que Vastin Lespy (1817–1897), Simin Palay (1874–1965) et Jean Bouzet entreprennent un travail systématique de collecte des chants et danses populaires dans les vallées béarnaises. Leurs travaux constituent encore aujourd’hui une base précieuse pour les musiciens contemporains.

Le XXᵉ siècle
Le XXᵉ siècle est marqué par une alternance de déclin et de renaissance.
Après la Première Guerre mondiale, les campagnes se dépeuplent, les bals traditionnels disparaissent peu à peu. Pour préserver cet héritage, des groupes folkloriques émergent :
– Lo Cèu de Pau (fondé en 1934) œuvre pour la revalorisation de la danse et de la musique béarnaises.
– Le Centre Lapios, créé dans les Landes voisines, développe un répertoire commun en collaboration avec les musiciens béarnais.

Dans les années 1960–70, le mouvement néo-folklorique occitan donne un nouveau souffle à la culture gasconne :
– Création du groupe Nadau en 1973, qui modernise la chanson en occitan tout en puisant dans le répertoire traditionnel.
– Émergence de collectifs de recherche musicale comme La Novem, spécialisé dans les polyphonies féminines.

Le Carnaval biarnés de Pau devient une scène importante de revival musical et identitaire, tout comme le festival Hestiv’Òc.

XXIᵉ siècle
Aujourd’hui, la scène musicale béarnaise est d’une grande diversité :
– Los de Laruntz, Lous Amics de Bielle, Esta, En Daban perpétuent la tradition des groupes vocaux.
– De jeunes musiciens comme Joan Francés Tisnèr fusionnent les chants anciens avec des approches expérimentales.
– Les bals trad’ restent très populaires, et les associations organisent régulièrement des cantèras dans les cafés et places publiques.

Instruments

Accordéon diatonique
Instrument incontournable des bals modernes, l’accordéon diatonique a été introduit au début du XXᵉ siècle.
Les premiers modèles à une rangée et quatre basses accompagnent bourrées, polkas, scottishs et mazurkas.

Cornemuses
Le Béarn utilise plusieurs types de cornemuses :
– Boha : cornemuse des Landes-Gascogne, au son nasillard, souvent associée aux danses lentes.
– Chabreta : variante pyrénéenne, plus douce, utilisée lors de cérémonies.

Flûtes et fifres
– La flûte traversière en bois (à six trous) est typique des bergers des vallées.
– Le fifre (haut perché) accompagne les totchous (danses de bâtons).

Hautbois gascon
Instrument de plein air, le hautbois gascon possède une sonorité puissante, employée lors des processions et des fêtes de village.

Tambourin à cordes
Le tambourin à cordes est un élément emblématique de la musique pyrénéenne :
– Grand cadre de bois tendu de plusieurs cordes métalliques.
– Joué en frappant les cordes avec une baguette.
– Produit une rythmique subtile qui accompagne les mélodies de flûte.

Instruments complémentaires
– Voix : la voix humaine est au cœur de la tradition musicale, avec des techniques spécifiques de polyphonie.
– Castagnettes (tricanetas) : petites percussions à main.
– Percussions diverses : tambours sur cadre, cuillères.

Structure musicale

Modes et tonalités
La musique béarnaise emploie une variété de modes :
– Pentatonique : très fréquent dans les chants pastoraux.
– Dorien : associé aux complaintes et aux chants profonds.
– Mixolydien : typique des mélodies festives.

Construction harmonique
– Utilisation de tierces parallèles et de quintes ouvertes.
– Présence d’un cantus firmus (note tenue ou pédale) dans les chants polyphoniques.
– Le bourdon vocal est fréquent dans les chants de montagne.

Rythme et métrique
– Alternance de mesures binaires (bourrées, scottishs) et ternaires (sauts béarnais, mazurkas).
– Beaucoup de pièces en 6/8, propices aux pas glissés et sautés.

Formes musicales
– Monodie : chant solo, accompagné ou non.
– Polyphonie : plusieurs voix tissées, souvent en structure ABA.
– Répertoire narratif : longues complaintes historiques.

Danses

La danse est inséparable de la musique béarnaise.

Totchous
Danse guerrière emblématique :
– Se danse avec des bâtons.
– Les danseurs forment un cercle ou une ligne.
– Figures alternant frappes au sol et frappes croisées.
– Musique rapide en 2/4.

Danse de Saint-Savin
– Formation en cercle.
– Danse en confrontation par paires.
– Frappes de mains et de pieds synchronisées.

Bourrées et contre-danses
– Pas glissés, sautés, chassés.
– Figures tournoyantes, souvent par couples.
– Compas en 6/8 ou 3/4.

Danses de salon adaptées
– Scottish, mazurka, valse musette intégrées au répertoire traditionnel depuis la fin du XIXᵉ siècle.

Exemples de danses (vidéos)


Exemples musicaux

Se Canta  (Nadau).

Polyphonies de La Novem – enregistrement live à Pau.
Boha et accordéon – Duo des Cimes, en concert.
Verd e Blu – bal trad’ de village.
L’encantada (Nadau) – chanson emblématique.
Marilis Orionaa – Balansun, chant de plaine.

Artistes
Nadau
– Fondé en 1973.
– Groupe phare de la chanson en béarnais.
– 800+ concerts, dont plusieurs à l’Olympia de Paris.
– Albums : L’encantada, De cap tà l’immortèla.

Marilis Orionaa
– Née en 1959.
– Chanteuse et auteure, professeure de lettres.
– Albums : Balansun, Ça-i (prix CHOC).
– Œuvre marquée par la poésie et l’engagement occitan.

La Novem
– Ensemble vocal féminin créé en 1982.
– Spécialisé dans les polyphonies traditionnelles.
– Trois disques publiés, label Buda Musique.

Verd e Blu
– Groupe de bal trad’ fondé en 1987.
– Répertoire collecté dans les vallées béarnaises.
– Instruments : boha, flûte, tambourin à cordes.

Lo Cèu de Pau
– Groupe folklorique fondé en 1934.
– 30 danseurs et musiciens.
– Acteur majeur de la scène identitaire.

Duo des Cimes
– Duo de jeunes musiciens toulousains.
– Instruments : boha et accordéon diatonique.
– Fidèles aux cadences anciennes.

Joan Francés Tisnèr
– Chanteur et multi-instrumentiste.
– Fusionne les chants traditionnels avec des expérimentations électroniques.
– Maîtrise du tambourin à cordes.

Groupes de vallées
– Los de Laruntz.
– Lous Amics de Bielle.
– Esta.
– En Daban.
– Actifs dans les cantèras et bals populaires.