Origine
Le chant épique traditionnel kazakh, également connu sous le nom de « dastan », est une forme d’expression musicale profondément enracinée dans la culture nomade des peuples turciques d’Asie centrale, en particulier au Kazakhstan. Les dastans sont des récits épiques chantés qui racontent des histoires de héros, d’événements historiques, de légendes et de mythes. La tradition remonte à plusieurs siècles et a été transmise de génération en génération par les bardes appelés « zhyrau » ou « aqyns ». Ces récits étaient non seulement une forme de divertissement, mais aussi un moyen de préserver l’histoire, les valeurs et les coutumes des peuples kazakhs.
Les origines des dastans sont liées aux anciens peuples turciques et mongols, qui ont migré à travers les steppes de l’Asie centrale. Les bardes jouaient un rôle crucial dans la société nomade, servant de conteurs, d’historiens et de médiateurs culturels. Le chant épique était souvent exécuté lors de rassemblements communautaires, de fêtes ou de cérémonies religieuses, renforçant ainsi l’identité et la cohésion sociale du groupe.
Historique
L’histoire du chant épique traditionnel kazakh peut être retracée à travers plusieurs périodes clés. Durant l’ère des khanats kazakhs, entre le XVe et le XVIIIe siècle, les dastans étaient déjà bien établis comme une forme d’art populaire. Les khans et les nobles patronnaient souvent les bardes, qui jouissaient d’un statut social élevé et étaient considérés comme les gardiens du patrimoine culturel.
Au XIXe siècle, avec l’expansion de l’Empire russe en Asie centrale, le chant épique a connu des transformations. Bien que la colonisation ait introduit de nouvelles influences culturelles, elle a également menacé les traditions locales. Les bardes ont continué à transmettre leurs récits, bien que certains aient été adaptés pour refléter les changements sociaux et politiques de l’époque. Cette période a vu l’émergence de figures emblématiques telles que Makhambet Otemisuly, un poète et barde célèbre pour ses chants de révolte contre l’oppression russe.
Le XXe siècle a été marqué par l’ère soviétique, qui a eu un impact significatif sur le chant épique traditionnel. Les autorités soviétiques ont initialement perçu le dastan comme un vestige de la culture féodale, mais ont ensuite reconnu sa valeur en tant qu’instrument de propagande. De nombreux bardes ont été intégrés dans le système soviétique, et le contenu des dastans a parfois été modifié pour inclure des thèmes socialistes. Malgré cela, la tradition a survécu, grâce à la résilience des artistes et à la transmission orale continue.
Après l’indépendance du Kazakhstan en 1991, le chant épique a connu une renaissance. Les efforts pour revitaliser le patrimoine culturel kazakh ont conduit à une redécouverte et à une réinterprétation des dastans. Aujourd’hui, ils occupent une place importante dans la culture kazakhe contemporaine, tant sur le plan national qu’international.
Instruments
Le chant épique traditionnel kazakh est généralement accompagné d’instruments spécifiques qui ajoutent une dimension unique à la performance. Les instruments les plus couramment utilisés incluent :
1. **Dombra** : La dombra est l’instrument emblématique du Kazakhstan. C’est un luth à deux cordes, généralement en bois, avec un corps en forme de poire. La dombra est jouée en pinçant les cordes avec les doigts, produisant une sonorité distincte et rythmique qui accompagne le chant épique. Elle est essentielle pour donner le ton et le rythme au récit.
2. **Qobyz** : Cet instrument à cordes frottées est souvent associé à des rituels chamaniques. Il a un corps en bois et deux cordes en crin de cheval. Le qobyz produit un son profond et résonnant qui ajoute une couche émotionnelle au dastan. Il est parfois utilisé pour évoquer des atmosphères mystiques et spirituelles.
3. **Sybyzgy** : Une flûte en bois qui est souvent utilisée pour ajouter des mélodies mélancoliques et expressives au chant épique. Le sybyzgy est joué en soufflant dans une embouchure et en couvrant les trous avec les doigts pour moduler le son.
Structure Musicale
La structure musicale du chant épique traditionnel kazakh est complexe et repose sur une combinaison de modes, de mélodies et de rythmes qui varient en fonction du récit et de l’interprète. Généralement, le chant est modal et utilise des échelles pentatoniques, typiques de la musique d’Asie centrale. Les modes utilisés peuvent être diatoniques ou chromatiques, en fonction de l’effet émotionnel recherché.
Les dastans sont composés de plusieurs sections, chacune ayant un motif mélodique et rythmique distinct. Le chant peut commencer par une introduction instrumentale, suivie de passages chantés alternant avec des interludes instrumentaux. Le rythme est souvent libre, permettant à l’interprète de mettre l’accent sur des mots ou des phrases clés du récit. Les variations mélodiques sont courantes, et les bardes improvisent souvent pour adapter la performance au contexte et à l’auditoire.
Danses
Bien que le chant épique traditionnel kazakh soit principalement une forme de narration musicale, il peut être accompagné de danses folkloriques lors de certaines performances. Les danses kazakhes sont généralement caractérisées par des mouvements gracieux et fluides, reflétant la vie nomade et l’harmonie avec la nature.
Les danses associées au dastan sont souvent exécutées en cercle, symbolisant l’unité et la continuité. Les danseurs utilisent des gestes expressifs qui illustrent les actions et les émotions décrites dans le récit épique. Les pas de danse incluent des sauts légers, des tours et des mouvements de bras qui imitent le vol des oiseaux ou les ondulations de l’herbe dans la steppe.
Exemples de Danses
Kara Zhorga
est une danse traditionnelle kazakhe souvent exécutée lors de célébrations. Elle implique des mouvements de pieds rapides et des sauts légers, accompagnés de la dombra.
Kyz Kuu
est une danse-joute symbolisant une course-poursuite amoureuse. Les mouvements sont dynamiques et rythmés, reflétant l’énergie et la vivacité du jeu.
Exemples Musicaux
« Alpamys Batyr »
est l’un des dastans les plus célèbres du répertoire kazakh, racontant les exploits du héros Alpamys.
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« Koblandy Batyr »
est un autre dastan épique, centré sur le héros Koblandy et ses aventures.
« Er Tostik »
décrit les épreuves et les triomphes du héros Tostik, accompagné de la dombra et du qobyz.
Artistes
Jambyl Jabayev
(1846-1945) était un barde kazakh célèbre pour ses dastans et ses poèmes. Sa carrière s’étend sur près d’un siècle, et il est vénéré comme l’un des plus grands poètes kazakhs.
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Dina Nurpeisova
(1861-1955) était une compositrice et joueuse de dombra, connue pour ses contributions à la musique kazakhe traditionnelle. Elle a intégré des éléments épiques dans ses compositions.
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Kenen Azerbayev
(1884-1976) était un barde et poète kazakh qui a joué un rôle clé dans la préservation du dastan durant l’ère soviétique. Ses œuvres célèbrent l’histoire et la culture kazakhes.
Aqan Seri
(1843-1913) était un barde et compositeur kazakh, réputé pour ses performances captivantes et ses contributions au répertoire épique.
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Shashubay Koshkarbayev
(1865-1952) était un barde kazakh qui a enrichi la tradition du dastan par ses récits poétiques et ses talents de conteur.
Kazangap Tlepbergenuly
(1854-1921) était un maître de la dombra et un compositeur prolifique, dont les œuvres intègrent des éléments épiques et folkloriques.
Le chant épique traditionnel kazakh continue d’être une partie vitale de l’identité culturelle du Kazakhstan, unissant les générations à travers des récits de bravoure, de sagesse et de tradition.